De toutes les expositions du festival Europalia qui mettent Bruxelles à l'heure russe, c'est celle d'un inconnu qui fait sensation. Cent vingt oeuvres d'une beautÉfulgurante forcent l'admiration, mais le mystère reste entier. Quel est ce " K.W. " dont les initiales étaient apparues sur quelques papiers collés découverts dans le bric à brac du " marchÉdes Polonais " installÉsur le no man's land libérÉpar la chute du mur de Berlin? Près de vingt ans plus tard on sait qu'il s'agit de Karl Waldmann, nÉà Dresde dans les années 1890 et disparu autour de 1958 avec sa compagne russe au Goulag. Les 900 oeuvres aujourd'hui répertoriées parlent de sa proximitÉavec Kurt Schwitters qui a vécu à Dresde de 1914 à 1917. Après avoir flirtées avec l'abstraction la plus radicale et Dada, ses oeuvres côtoient celles des Constructivistes russes rencontrés dans l'effervescence qui suivit la Révolution d'Octobre. À l'égal de Raoul Hausmann ou de John Heartfield, Karl Waldmann maîtrise à merveille l'art du photomontage, mais sans jamais l'utiliser en propagandiste. Ses images de villes menaçantes et de machines broyeuses, ses hommages à l'art primitif comme à Joan Crawford ou Marlène Dietrich, l'érotisme de ses nus hardis et son ironie à maquiller les lèvres de Lénine ou de rapprocher Staline d'Al Capone le font basculer définitivement dans l'enfer de ces dangereux dissidents à effacer de l'Histoire. Cette première rétrospective est autant une revanche inespérée qu'une découverte éblouissante.